Même pas peur, oui, mais de quoi ?

De vous parler du livre éponyme, écrit par Luc Venot et édité par les Editions Humanis.

Je vous propose de partir d’un peu loin avant d’en venir au fait. Et de commencer par poser une autre question. Comment choisissez-vous les livres que vous lisez ?

Evidemment, vous n’êtes pas là, devant moi, pour me répondre, vous savez bien que je vous exploite filoutement pour parvenir à mes desseins (ie imposer ma vision du monde via la force de frappe incommensurable de ce blog et de ses pseudos-questions). Voici donc comment ça se passe pour moi :

- la couv’ : je suis du genre à flasher sur une couv. En librairie physique ou virtuelle, une image qui raconte une histoire, m’intrigue, me parle, et hop, l’affaire est presque dans le sac (qui, lui, n’est toujours pas un Longchamp).

- un titre trop bateau viendra refroidir, indubitablement, mes ardeurs, mais a contrario, s’il draine quelque promesse de mystère et d’inédit, c’est avec une excitation décuplée que je m’en irai examiner…

- … la 4ème de couv. J’ai une mémoire de poisson rouge, donc même si ça spoile à mort, tant pis. Je préfère savoir de quoi je vais entendre parler pendant deux, quatre ou dix heures, déterminer si ça me convient, puis l’oublier.

- l’avis des autres, de ces anonymes qui agrémentent leurs joies et leur déceptions de petites étoiles ou de notes-comme-à-l’école: oui, je les regarde, en décidant de m’y fier ou pas en fonction du profil de celui qui a pondu la bafouille attachée. (Message à l’autoédité de passage : il faudra absolument que tu me laisses lire un extrait de ton œuvre avant que je ne l’intègre à ma PAL, critiques dithyrambiques ou pas. Tu ne m’en voudras pas ;-)).

L’ensemble de ces étapes constitue le processus standard qui conduit un livre jusque dans ma bibliothèque.

Maintenant, nous savons tous que les processus sont faits pour être dynamités : deux façons d’y parvenir. Qu’un auteur cher à mon cœur sorte un nouveau bouquin, et je me l’approprie les yeux fermés. (Ce qui arrive de moins en moins souvent puisque les auteurs en question sont de plus en plus morts.) Ou alors, une personne (ou un blog) de confiance me colle un livre entre les mains et me dit de façon plus ou moins subliminale : lis-le. Je finis en général par m’exécuter, faisant fi de la couv’, du titre, du résumé et de tout le reste. Parfois je suis déçue, parfois non, mais même dans le premier cas, j’y trouve mon compte car j’ai l’impression d’avoir mieux compris quelqu’un qui ne m’est pas rien.

mem_pas_peurL« Même pas peur » n’a suivi aucun de ces chemins. Sa lecture m’a été recommandée par son éditeur - être partial s’il en est. Evidemment, c’est son boulot. La méfiance était donc de mise. Là où il a éveillé ma curiosité, c’est qu’il a utilisé comme appât un article publié sur son site où il exprime certaines de ses vues sur l’édition (que je partage, mais là n’est pas la question, du moins pour le moment). Un échange de mails plus tard, je me suis retrouvée avec l’envie d’en savoir plus sur le best-seller si chaudement recommandé par son pygmalion – qui a la franchise d’exprimer, non sans style, ses véritables intentions.

L’envie a été assouvie quelques clics plus tard et la lecture a suivi de peu. Ce qui me permet d’en venir au fait : qu’en ai-je pensé ?

Clairement, ce livre n’est pas pour moi. Dans le sens où il ne remplit pas l’objectif d’évasion que je me fixe dans mes choix de lecture. Evasion par la fantaisie, la science-fiction, la poésie, l’humour, l’époque, la complexité de l’énigme, le gore outrancier, même, pourquoi pas. N’importe quoi du moment qu’il ne s’y reflète pas les miasmes les plus sombres de notre époque contre lesquels nous sommes déjà en lutte au quotidien.

En l’occurrence, la trame touche à ce que je me refuse habituellement ne serait-ce que d’effleurer : les enfants, les ados, et le mal qui peut leur être fait par ceux qui devraient les protéger. De foyer en squat, il est question des abus et des sévices qui conduisent à fracasser des êtres tendres dans leur chair et dans leur tête. Les maltraitances évoquées mettent le cœur au bord des lèvres, et j’ai tendance à préférer, quand je lis, que mon cœur reste dans ma poitrine, même s’il doit battre un peu plus fort. Evidemment, le livre n’a pas valeur documentaire, il s’agit d’un thriller, mais ce genre de cadre et la douleur qui en découle sont tellement à la racine de l’intrigue qu’il est impossible de les ignorer.

Pour le côté thriller, justement, on est dans l’atypique : l’identité du « meurtrier » ainsi que ses motivations sont connues dès le début du livre. Le flic qui va le traquer est déglingué comme il faut, alcolo jusqu’à la moelle et passablement désabusé. Pour le coup: cliché.

Le style est heurté, dopé aux dialogues fleuris, occasion de quelques passes d’arme vannesques – là aussi, on est loin de ma came habituelle et de mon amour immodéré des longues phrases qui font 3,5 kilomètres.

Voilà, pourtant, que ce livre dont la couverture, le titre, le thème, le prescripteur, l’intrigue, le style, n’avaient rien pour me plaire, m’a tenue éveillée jusqu’à ce que je le finisse, d’une traite.

Pourquoi ?

Peut-être à cause de l’intensité de l’écriture, d’une véritable tendresse de l’auteur pour ses personnages, de l’amitié et de l’amour qui poussent partout en rempart à la folie, des éclats d’espoir semés au bord de la route.

Peut-être aussi parce que ça fait du bien de temps en temps de sortir du sentier battu de nos goûts – ou de ce qu’on croit en connaître.

Il n’y a guère que la fin qui me laissera une impression mitigée, par son côté à la fois prévisible sur le fond et grand-guignolesque sur la forme. Impression tempérée par le tout dernier chapitre, épilogue posé comme une feuille d’automne pourpre sur un champ de ruines : magnifique.

Difficile de conclure par une recommandation : je préfère ne pas en faire. Pour 2,99€ le format numérique, vous pourrez vous rendre compte par vous-même de ce que ce livre saura vous apporter ou non.

 Présentation de l'éditeur

Découvrez le phénomène littéraire du premier trimestre 2014 : un thriller inventif et culotté, aussi drôle qu’effrayant, aussi émouvant qu’étonnant. Une superbe histoire d’amitié au cœur du monde des paumés.

Site de l'éditeur

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6 réponses à Même pas peur, oui, mais de quoi ?

  1. Venot Luc dit :

    Merci. J'ai bien aimé. C'est drôle. Vous devez savoir que souvent, c'est l'éditeur qui choisi le titre et la couv. Il ne vous la soumet que par courtoisie. Moi j'avais nommé le book "Nés Cassés". Ca aura éviter votre question initiale...A bientôt.

Répondre à Venot Luc Annuler la réponse.

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