Non, je ne suis pas en train de remplir un dérivé du questionnaire dit « de Proust ». Mais il se trouve que cette question revient fréquemment dans les formulaires de présentation qui font de vous un membre bien accueilli sur un web forum. Donc il s’agit bien d’une FAQ. CQFD.
Que les choses soient bien claires : je ne déteste aucun mot.
Chacun a son histoire, son parcours dans la jungle linguistique ; des parents, des ancêtres, nés ailleurs, à une autre époque. Certains sont morts, d’autres vivent encore, même si leur signification profonde a changé. Il y en a des petits, des grands et des gros, des simples et des compliqués, des de tous les jours et des qui ne sortent que dans telle ou telle occasion. Il y a les mots qu’on oublie, ceux qui restent sur le bout de la langue, ceux que l’on utilise sans y penser, ceux qui sont lourds de sens. Il y a les mots d’enfant, qui n’existent que pour eux, et pour nous, évidemment, quand on devient parents. Il y a les doux, qui caressent, les durs, qui blessent, et puis les bleus, qu’on dit avec les yeux, même si on se plante parfois sur ce qu’ils voulaient dire vraiment . Il y a le premier mot, qu’on attend avec impatience, et le dernier, qu’on garde pour la fin. Il y a les mots avec lesquels on joue, ceux d’esprit qui fuiteront, espère-t-on, sur twitter ou sur Facebook, qu’on la connaisse, enfin, cette gloire 2.0 ! Il y a les mots d’amour, qu’on aime quand on aime, et pas autrement. Les maudits qui allitèrent, et les justes, ceux qui viennent à point nommé s’insérer dans la phrase qui leur servira d’écrin. Il y a les mots pour rire et ceux qui font pleurer, et ils peuvent être les mêmes, tellement l’être humain est compliqué. Il y a les mots d’ordre qui claquent comme un fouet et ceux qui soulèvent des tempêtes, en mai ou au printemps. Il y a les faux amis, ceux qui trompent et vous embrouillent quand vous passez de l’autre côté de la Manche. Et aussi les mots-valises, qu’on n’ouvre pas avec des mots-clés, et des mots de passe qui restent enregistrés. Il y a les mots qu’on mâche, qu’on avale et qu’on recrache parce qu’on n’a pas pu les digérer. Il y a les mots croisés, les mots fléchés, les mots cachés des magazines, et les mots tabous des jeux interdits qu’on se susurre sur l’oreiller.
J’en oublie certainement, mais je vais m’arrêter là, car si je devais finir sur une pirouette, je dirais simplement que le mot que je déteste le plus est celui qui est de trop.