Cette année, au mois de septembre, j’ai accompagné mon fils pour sa rentrée des classes en Grande Section de maternelle. Alors que je lui enlevais son blouson, je me suis retrouvée en face de la maman de son petit voisin de porte-manteau. Elle m’a souri, du sourire un peu timide du nouvel arrivant qui ne connait personne et n’ose pas encore aller jusqu’à dire bonjour.
J’ai baissé la tête et je l’ai ignorée.
Cette maman portait un foulard. Pas une burqa ou un tchador, sinon, évidemment, je n’aurais pas vu son sourire. Un simple foulard qui encadrait son visage basané.
Donc, mon premier réflexe a été de m’éloigner d’elle ; surtout, qu’on ne nous associe pas, que je ne me retrouve pas, aux yeux de tous les autres parents, reliée par un quelconque signe de connivence à une femme voilée.
En retournant vers ma voiture, je me suis bien entendu engueulée vertement pour ça. Et j’ai pris conscience de la facilité avec laquelle des idées pourtant contraire à mes convictions profondes étaient parvenues à influer insidieusement sur mon comportement et mes instincts. Des idées nauséabondes, qui à force de suinter de l’air du temps, finissent par pénétrer les pores de votre cerveau et altérer votre jugement.
Ceci est une photo de ma main.
Sa couleur est due à la présence d’une certaine quantité de mélanine dans ma peau.
S’il devait arriver que cette main vous cause un quelconque préjudice, malgré mes efforts constants pour éviter de commettre tout acte susceptible de nuire à mon prochain, tenez-moi pour seule responsable de votre désagrément et n’étendez pas votre ressentiment à tous ceux qui n’auraient pas d’autre tort que de partager avec moi une même quantité de mélanine dans leur peau.
Ceci est une photo de la main de mon fils.
Je lui expliquerai un jour que Dieu, s’il existe, est par définition tout-puissant. Et qu’il serait blasphématoire de le juger incapable de s’occuper lui-même de punir de la façon adéquate les mécréants dans l’au-delà. J’irai peut-être un jour rôtir en Enfer, ou me réincarnerai en éponge, ou traverserai le Styx vers le Royaume du Tartare sur la barque de Charon pour ne pas avoir respecté d’autres lois que celles de la République. Tant pis pour moi. Je suis prête à payer dans cet hypothétique au-delà le fait d’avoir profité de la certitude des bonheurs de la vie.
Ma foi en l’humain est inébranlable.
Je suis convaincue que l’immense majorité d’entre nous n’aspire qu’à vivre en paix avec ses voisins. Que notre capacité à éprouver de l’empathie, à se mettre à la place d’autrui, permettra in fine de résoudre tous les conflits. Que des déséquilibrés manipulés par d’obscures inconsciences ne suffiront pas, par leurs crimes odieux, à mettre la peur au cœur de nos existences et à changer durablement nos modes de vie.
Je suis convaincue, enfin, qu’il reste à notre espèce de grandes et belles choses à accomplir.
Si j’ai tort… Nous avons les moyens de notre fin.
À nous, tous ensemble, de faire le nécessaire pour ne pas mériter notre extinction.
United colors of Famille Ravera