C'est quoi, le Temple des nèfles ?

Si, en tant qu'auteur, vous vous êtes penchés sur les conseils de Paul&Mike pour dénicher un éditeur, vous avez dû tomber sur celui qui vous incite à prendre connaissance du catalogue de la maison convoitée avant de lui confier votre dernier-né - histoire de faire gagner du temps aux deux partis concernés. Au moment de prendre la difficile décision de manière ferme et définitive, je me suis donc intéressée à l'une des publications les plus récentes de P&M afin de jauger si la choucroute était toujours à mon goût, quinze ans après ma précédente lecture émanant de leur sérail. Bien m'en a pris, puisque c'est ainsi que je découvris la prose chaloupée d'Anthia Arsac, avec qui il semblerait que je partage un certain goût pour le calembour, la narration éparpillée façon puzzle ainsi que pas mal de convictions.

C'est donc tout naturellement que j'ai eu envie de lui proposer une petite place dans ma modeste vitrine afin qu'elle puisse vous parler de son dernier roman - Le temple des nèfles, ainsi qu'un peu d'écriture et d'édition!

Est-ce que tu peux présenter Le temple des nèfles en quelques mots ?

Le temple des nèfles est un objet hybride. Il emprunte les codes du polar, une détective, une disparition, une enquête... pour mieux les détourner, basculant à mi-chemin dans le fantastique mâtiné de conte philosophique !

Je l’ai pensé comme la rencontre, un soir d'ivresse, entre Voltaire, Michael Shur et Madame Irma.

Quand on sait à quel point le monde éditorial aime les catégories bien définies, on peut dire que sa publication relève d’une forme de miracle - amen, Paul&Mike !

[NDLR: on ne les priera jamais assez :)]

D’où t’est venue l’idée de ce roman ?

J’ai vu une amie très proche, celle qui a inspiré le personnage de Léontin, une femme brillante mais en détresse psychologique, se réfugier dans des croyances aliénantes, des pseudo-thérapies coûteuses. Je me suis sentie impuissante... Les embrigadés ne sont plus perméables à la raison. La question de la croyance m’a toujours intéressée (c’était d’ailleurs l’un des sujets de ma thèse de doctorat), par la place qu’elle prend dans nos vies, notre psyché, et même notre organisation sociale.

Je ne voulais pas écrire un roman "à thèse", où la réflexion prime sur l’intrigue, mais j’avais envie d'explorer, par la fiction, l’humour, sans jugement, ce qui pousse les gens à acheter des amulettes sacrées made in China, à prêter des pouvoirs aux cailloux, à prier un ou des dieux...

Combien de temps as-tu mis à l’écrire ?

À la louche, environ deux ans. J’ai un rapport au temps assez particulier, je ne fais pas attention aux dates, aux anniversaires...

Est-ce que tu as une façon particulière de travailler ? 

J'écris lentement, de manière erratique. Sans heures ni jours fixes, dès que je peux, par séances de 3 à 4 heures. Sans quota de mots à atteindre car ça gâcherait mon plaisir, en introduisant une notion de productivité dans un acte qui (pour moi) échappe à cette logique. L’écriture me semble à la fois une digression et une transgression au réel, un acte essentiel et superbement inutile. Bon, je surveille quand même ma progression, car je fais énormément de recherches, je réécris beaucoup, et ça peut devenir frustrant de passer des plombes sur le même chapitre - parfois le même paragraphe !

Pour Le temple des nèfles, je n'avais pas de plan à proprement parler, plutôt une trame, un fil conducteur que j'ai déroulé... en me laissant parfois surprendre par les personnages ou la tournure des événements ! 

On m’a qualifiée "d'autrice à tendance schizophrène" : je confirme ce diagnostic.

Qu’est-ce qui t’a conduit à envoyer ton manuscrit à P&M et à les choisir comme éditeur ?

Leur catalogue ! J’ai cherché des éditeurs susceptibles d’être intéressés par le manuscrit multigenre d’une illustre inconnue, primo-romancière, créatrice de concepts biscornus. Parmi la longue liste finale (cinq maisons d’édition), P&M me plaisait particulièrement, avec leurs publications focalisées sur le style, l’humour, les formes courtes...

Comment s’est passé le processus d’édition ?

Fabien P. a fait un super boulot de relecture, conseils narratifs, corrections... Il a rendu la traque des coquilles amusante (j’vous jure!), et grâce à ses remarques pertinentes la version finale du roman dépote ! C’est une petite maison, donc on met aussi la main à la pâte : la conception de la couverture avec le dessinateur Fabrice Lebeault fut un moment émouvant... 

Enfin, la rigueur de Fabien M. au niveau du processus de publication lui-même rassurera l'écrivain le plus névrotique. 

As-tu d’autres projets littéraires pour la suite ?

Je suis plongée dans la rédaction de mon deuxième roman ! Comme je le disais plus haut, l’écriture m'est devenue essentielle... Je ne conçois plus ma vie sans les affres et les joies d’une prise de tête sur les synonymes de "sentir" ou l'usage du point-virgule. Et pour ce texte, j’ai un plan : pas détaillé, mais je visualise à peu près le déroulement et le dénouement. 

La fin va vous surprendre !

Est-ce que tu as des livres coup de cœur à conseiller ?

Beaucoup trop, donc je vais me contenter des trois premiers qui me viennent à l’esprit, dans le registre "épique" : La maison des feuilles, de Mark Z. Danielewski, La maison dans laquelle, de Mariam Petrosyan, et La Horde du Contrevent, d'Alain Damasio.

Concernant La maison dans laquelle: pour moi c'est un texte merveilleux, initiatique au sens propre du mot ! Dans une sorte de pension, d'internat étrange, des enfants et des ados cabossés s'inventent des mondes. Un souffle fabuleux traverse leurs aventures imaginaires ! La multitude de personnages, tous attachants, est maîtrisée à la perfection, et les grands thèmes (l'amitié, la folie, le passage à l'âge adulte) sont abordés sous un angle original, à mon sens très puissant. Une lecture qui m’a laissé une empreinte durable...

Merci Anthia pour ce partage fort sympathique ! Si vous voulez à votre tour découvrir les mystères insoupçonnables (si si!) de son mystérieux temple, ça se passe par ici: Le temple des nèfles.

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