Et plus précisément, quel est le problème avec le Top100 des ventes de livres numériques via la fameuse (et à plus d’un titre, controversée) plateforme d’achats en ligne ?
Le problème, donc, c’est que la présence d’un livre dans ce classement s’achète. L’enjeu ? La visibilité. Ce qui fait que parmi la pléthore des livres numériques, édités ou autoédités, le lecteur potentiel va avoir l’occasion de se dire sur quelques-uns d’entre eux : « oh, tiens, voilà un bouquin que je mettrais bien dans mon Kindle », parce que, tout simplement, ces livres se seront retrouvés devant ses yeux avec une sorte de caution de qualité. Pour qu’un livre soit dans le Top100, se dit-on légitimement, c’est qu’il doit avoir suffisamment de mérites pour s’être constitué un lectorat conséquent. Et c’est là qu’on a tort.
La faute directe n’en incombe même pas à Amazon, mais à l’exploitation de ses algorithmes de classement par ceux qui ont compris le truc. Il suffit – pour le moment, à l’heure où je tape fiévreusement ces lignes, tout va si vite de nos jours – d’une centaine d’achats concentrés sur une journée pour placer un livre dans le Top100 magique. Pour un ebook vendu à 99 cts, ce n’est pas la mer à boire. Plutôt une coupette de champagne, la même qui vous servira à trinquer à votre réussite une fois l’objectif atteint.
Comment obtient-on cette centaine d’achats quasi-simultanés ? Soit en tapant la famille et les amis, comme l’a fait, par exemple, Agnès Martin-Lugand (pour prendre la plus médiatisée des auteurs-connus-grâce-à-Amazon) soit en rémunérant un intermédiaire, une société qui s’est fait une spécialité de je-te-booste-ton-bouquin-dans-le-top-my-friend grâce à un réseau d’acheteurs… payés pour acheter .
Tout ceci, à vrai dire, n’est pas vraiment nouveau. Alors pourquoi en parler aujourd’hui ? Parce que beaucoup pensaient, jusqu’à cette semaine, que ce genre de pratique ne dureraient pas, qu’Amazon viendrait y mettre le holà dans le souci de fournir à ses clients un service de qualité incompatible avec des recommandations faussées. Or, cette semaine, dans sa newsletter destinée aux utilisateurs du service de publication Kindle Direct Publishing, Amazon a mis en avant un auteur qui déclare ouvertement faire appel à un « booster » artificiel. D’où caution. D’où désillusion. D’où, en réponse, des articles comme http://lesoufflenumerique.com/2013/07/26/dans-les-coulisses-du-top-100-amazon/ ou http://www.actualitte.com/economie/ebook-mykindex-offre-le-top-20-des-ventes-d-amazon-pour-149-43996.htm qui exposent très bien, et avec plus de détails, ce que je viens de vous résumer. (Je vous laisse un peu de temps pour lire ces posts, vous repasserez ici quand vous aurez terminé.)
Vous avez pu le constater : l’histoire est finalement assez simple et déjà bien racontée. Pourquoi, alors, me suis-je sentie obligée d’ajouter mon grain de sel ?
Parce que j’ai le sentiment qu’en tant qu’auteur autoéditée, je dois choisir mon camp publiquement. Indiquer que je n'ai pas du tout envie de me retrouver avec un pistolet sur la tempe et un type mâchonnant un cigarillo qui m'assène: "Ecoute, fillette, si jamais tu ne me files pas du blé, le Top100 d'Amazon restera une pépite d'or inaccessible et tu ne pourras même pas t'en approcher". Surtout qu'il va falloir payer de plus en plus cher pour lui acheter sa pioche à ramasser des pépites, au type au cigarillo (je vous ai dit qu'il avait des petits yeux futés ?).
Pauline Doudelet, auteur adepte encore plus que moi du « je fais tout toute seule comme une grande », lance d’ailleurs une mise-en-garde énergique à ses pairs.
Je suis évidemment d’accord avec elle. Mais, je comprends aussi que nombre d'auteurs aient succombé à la tentation de faire appel à un booster. Parce que c’est tellement, tellement galère de se faire connaître. Et on a tellement, tellement envie d’être lu. Surtout si on en a déjà bavé à se prendre des torgnoles (ou pire, des vents) de la part des tenants du circuit classique de l’édition. Je n'ai donc pas envie de leur jeter la pierre (juste un petit caillou).
Mais en attendant que le géant du commerce en ligne réagisse en revoyant sa façon d’élaborer ses classements (en faisant preuve de moins de réactivité, peut-être, et en prenant en compte les remboursements), ou que la DGCCRF vienne mettre son nez là-dedans comme elle a pu le faire sur les faux avis postés sur des sites marchands, je vais relayer le message suivant : à ce jour, le Top100 d’Amazon pour les livres numériques ne vaut, par construction, pas un pet de lapin.
Trust noone, comme disait Mulder à Scully dans X-Files.
Et parce que toute action publique est communication et que quand on a quelque chose à vendre, c'est de la publicité, j'ajouterais, histoire de réveiller complètement votre esprit critique : not even me.
D'un autre côté,au bout de quelques mois de pratique de kindle, on à vite fait de comprendre : une ou 2 daubes téléchargées, cela vous forme un lecteur (ou lectrice) !
Après on tourne trois fois le doigt sur sa souris avant le clic fatal.
Et puis au temps béni du top 50, les disquaires ne faisaient t-ils pas de même ?