Comme sur pas mal de questions liées aux stratégies commerciales, les avis divergent sur la question.
Pour les tenants du « non », la gratuité dévalorise, noie dans la masse, grave dans la tête du lecteur que les œuvres de l’esprit, tant qu’elles ne sont pas imprimées sur un support qui leur est propre, n’ont pas la valeur tangible et monnayable d’un mur en parpaing. D’autant, ajoutent certains, qu’avoir été téléchargé en tant que « gratuit » n’est en rien une garantie qu’on sera lu puis téléchargé en « payant », tant l’offre est vaste – et le secret du dépilement de la PAL un mystère y compris souvent pour celui qui empile.
Pour les tenants du « oui », l’important est la possibilité accrue d’être lu, partagé, critiqué, commenté, ce qui permet finalement à une œuvre d’exister. Et d’un point de vue purement commercial, de miser sur la fraction du lectorat qui sera prête à débourser quelques euros pour lire autre chose d’un auteur qui aura su lui plaire.
Pour ma part, je dirais : « Ça dépend. »
Je ne pense pas que la gratuité dévalorise, il s’agit d’un mode de diffusion qui peut très bien correspondre à des œuvres chargées en valeurs émotionnelles, capables de faire rire, pleurer, réfléchir, indépendamment du prix inscrit sur leur étiquette. Heureusement qu’il reste de belles choses gratuites – même s’il y en a de moins en moins et que la préservation de leur statut est un combat.
Cependant, l’utilisation de la gratuité comme outil marketing est loin d’être une garantie de succès systématique si l’on s’intéresse à l’aspect commercial des choses.
Les tenants du « non » n’ont pas tort : téléchargement ne rime pas nécessairement avec consommation, et l’offre est devenue tellement conséquente qu’il ne suffit pas d’avoir aimé un livre d’un auteur pour se précipiter sur le suivant, tant les sollicitations sont nombreuses.
D’après mon expérience, le procédé du " livre numérique gratuit " fonctionne surtout avec… le premier tome d’une série. Quand on a réussi à éveiller chez le lecteur la fameuse « envie de connaître la suite ».
Petit retour d’expérience
Le tome I de la Tentation de la pseudo-réciproque a toujours été gratuit « au format numérique de votre choix ». Mais il n’a pas toujours été gratuit de la même façon.
Gratuit contre une adresse mail
À une époque, le site lulu.com que j’utilisais pour commercialiser mes livres ne tenait pas le compte des téléchargements gratuits. Je trouvais ça un peu frustrant, alors j’ai choisi de n’envoyer mon tome I que sur demande. Le côté sympa de la procédure est qu’elle crée un lien entre le lecteur potentiel et l’auteur : le premier message de contact a très souvent donné lieu à des échanges, qui ont pour certains évolué en véritables amitiés 2.0.
Mais cette perte d’anonymat ne convient pas à tous les lecteurs, ce qui est très compréhensible. D’où la mise en œuvre d’une deuxième forme de gratuité :
Gratuit sur les librairies numériques en ligne
Je m’étais fixé comme critère qu’après un mois complet sans demande de tome I via mon formulaire de contact, je franchirais une étape supplémentaire en rendant le livre gratuit sur lulu, Kobo et Amazon. C’est arrivé au mois d’avril cette année, et cette période a coïncidé avec une proposition de Kobo d’offrir le tome I de la Tentation avec l’achat d’une liseuse. La procédure a été un peu compliquée sur Amazon, puisque la seule façon d’y rendre un livre gratuit (lorsqu’il n’est pas inscrit au programme exclusif KDP Select) est de le « dénoncer » comme gratuit sur d’autres plateformes concurrentes…
C’est pourtant bien chez Amazon que j’ai obtenu les meilleurs résultats en termes de conversion « téléchargement du tome I » en « achat du tome II ».
Un autre avantage de cette approche est la possibilité de bénéficier d’une visibilité accrue si l’on intègre un des fameux « tops », les moteurs de recommandation prenant alors en charge une partie du travail promotionnel. Je n’en ai pas bénéficié mais pour une œuvre plus « neuve » davantage susceptible de franchir les seuils, ça aurait pu être le cas.
Gratuit sur son site web
Cette solution n’est pas réservée qu’à ceux qui sont allergiques aux plateformes commerciales, mais aussi à ceux qui veulent pouvoir se faire une idée de la chose sans la cautionner de quelque façon que ce soit.
Mise en place il y a quelques semaines après une sollicitation sur Twitter, cette dernière approche a généré un nombre de téléchargements conséquent, puisqu’il dépasse le nombre de downloads sur l’ensemble des autres plateformes. Sont-ils le fait de robots, de téléchargeurs compulsifs, de lecteurs en mal de gratuit, de lecteurs curieux ?
Peu importe. Cette phase marque de mon côté la fin de mes démarches marketing actives concernant la saga de la Tentation de la pseudo-réciproque.
Son avenir dépendra encore moins de moi.
Et je vais pouvoir, dorénavant, consacrer ce qui me reste de temps de cerveau disponible, à ça :
Bonjour Kylie,
Habile manoeuvre ... Nouvelle question marketing : lancer un scoop "souterrain" (copie d'écran, au fond d'un post, d'un début potentiel d'une nouvelle chose ?) un 9 aout, en pleine torpeur générale, cela donne-t-il quelques retours ? Hélé, un élément de réponse ici-même !
Je suis lectrice de "la tentation" de la 2ème heure (pas la première, mais j'ai assisté à la naissance des 3 derniers), et j'ai fait résonner mon tam-tam dans la communauté d'ingénieurs de tous âges dans laquelle je vis (façon de parler). Pour ma part, ça a été le fait de goûter gratuitement au tome 1 qui m'a fat acheter les autres, pour 1/ connaître la suite 2/ dire merci à l'auteur de la seule façon qui compte vraiment (haha, soyons matérialistes)
Bravo, merci et à bientôt donc
Merci pour le tam-tam, qui est la seule chose qui résonne vraiment
Et sur ce, je pars à l'abordage de la page blanche...
Aaaah, terrible ce teasing ! J'en ai déjà l'eau à la bouche 😉
Bonne écriture !
Pour le reste, je fais partie de ceux qui se sont laissés ensorceler par la Tentation dès le 1er tome, mais tu le sais déjà ^^