Alors je rassure tout de suite ceux qui penseraient que l’amie des bêtes que je suis a croisé un mauvais chasseur. Non, mon intégrité physique est intacte. Le plomb dont je parle est purement e-pistolaire. Faut dire que je l’ai un peu cherché, aussi : j’ai envoyé la Tentation (plus exactement les 3 premiers chapitres et un synopsis détaillé) à un éditeur potentiel. Bon, ce n’est pas la première fois, mais en général, je m’en tire avec un message qui visiblement n’a pas été composé à ma seule intention (à deux exceptions près lisibles sur la 4ème de couv’ d’Opération Platypus). Là, mon interlocuteur a pris la peine de me répondre. Deux fois. La première pour me dire de façon plutôt amicale que pour la Tentation, ça ne le ferait pas pour cause de non adhésion à l’univers, mais que si j’avais autre chose en stock, il accepterait de jeter un coup d’œil. Je lui ai répondu (de manière tout aussi amicale, de toute façon, je ne sais pas faire autrement) que ben non, ce que j’avais en stock, ça le ferait encore moins (des nouvelles à caractère mathématiques et des écrits d’adolescente dépressive) mais que s’il voulait bien attendre deux ans que j’en ai fini avec Peter Agor, on pourrait rediscuter. Ça aurait pu en rester là si je n’avais pas, dans un bref accès de communicationite aiguë, eu la mauvaise idée d’envoyer, trois jours plus tard, un coucou-joyeux-noël accompagné d’un chapitre supplémentaire du tome I. Et c’est là que je me le suis pris, ce fameux plomb. Je n’ai pas demandé à l’auteur du scud en question l’autorisation de le citer, donc je n’en ferai rien. Mais c’était suffisamment violent pour que je puisse vous dire, à vous mes lecteurs, que vous avez des goûts de cabinet. Un cabinet où, en plus, on se fait royalement ch…. Ce n’est pas forcément malvenu dans ce type d’endroit, me direz-vous, mais là n’est pas mon propos. Bref, pour citer le type de Canal que je révère pour avoir réussi à faire fortune avec son style, je me suis pris un sacré coup de la latte dans les c… (que je n’ai pas. Mais là non plus, ce n’est pas le propos). Je me serais sans doute éclipsé sur la pointe des pieds en m’excusant pour la dérange si dans son mail, l’éditeur potentiel n’ajoutait pas quelque chose qui a fait s’afficher toute une série de points d’interrogation autour de ma tête, façon manga. Il pense que j’ai du talent. Malgré mes histoires qui n’intéressent personne et mon style pompeux, ennuyeux et rigolard comme un vieux cousin bourré à un mariage (mince, je l’ai cité. Vous pensez qu’il m’en voudra ?). Du talent, donc. C’est la première fois qu’une personne un peu autorisée me balance ça. Et à vrai dire, je ne sais pas trop quoi en faire. Et même, ça m’embête un peu. Parce que d’une certaine façon, j’ai l’impression que j’ai le choix. Entre continuer mon bonhomme de chemin, bordé d’un côté par un boulot que j’aime et de l’autre par la Tentation où je m’éclate en amateur, et bifurquer complètement vers des horizons insoupçonnés. Un peu comme quand, à dix-huit ans, j’ai voulu faire littéraire et que mes parents m’ont dit : « tu rigoles, ou quoi ? Obtiens ton diplôme d’ingénieur et constitue un patrimoine pour assurer ta retraite d’abord ». Et à l’époque, j’ai obéi.
J’ai peut-être tort, mais après avoir gambergé sur les paroles de l’éditeur potentiel, j’ai fini par penser qu’il pouvait être de la race des Niclaus Zarkowsky (ou plutôt, de celle de mon prof de Math Sup qui lui a servi de modèle). Du genre à filer des coups de pied au derrière pour le bien des gens.
Seulement, c’est à moi de décider où est mon bien.
Et même s’il doit m’en coûter une vie plus excitante, et peut-être la légitimité et la reconnaissance qui l’auraient accompagnée, j’ai décidé que mon bien passerait d’abord par la Tentation.
Donc rendez-vous à l’année prochaine pour le tome 7