Evidemment, vous avez le droit d’en lire les 7+1+1 tomes – mais vous n’aviez sans doute pas besoin d’un post de plus pour savoir cela. En fait, la question porte davantage sur ce que vous pouvez faire avec mon texte, mes personnages, mon univers.
Elle se pose dans le contexte de la remise par l’eurodéputée Julia Reda, du Parti Pirate allemand, d’un rapport concernant le droit d’auteur, et des réformes qui pourraient y être apportées pour l’adapter aux changements récents liés, notamment, à un usage de plus en plus intensif du web.
Le rapport est accessible ici : https://juliareda.eu/2015/01/rapport-les-regles-au-droit-dauteur-europeen-sont-inadaptees-a-l-internet/
Il propose, en gros, de créer des exceptions au droit d’auteur(1) pour raisons d’accessibilité et de formation, d’harmoniser la notion entre pays européens, de simplifier les modalités pour le prêt numérique en bibliothèque et de revoir la durée de ce droit (actuellement, 70 ans après la mort de l’auteur en France) pendant laquelle les ayants-droits peuvent exploiter l’œuvre de manière exclusive.
Beaucoup d’auteurs sont contre ces propositions. Les lettres ouvertes à Julia Reda se multiplient pour les dénoncer. Les arguments avancés sont, entre autres, les suivants :
- ajouter des exceptions au droit d’auteur fragiliserait une profession déjà malmenée, où la possibilité de vivre de son art est quasi-inexistante. La diffusion gratuite des œuvres pour une étude dans un cadre scolaire, une traduction en braille, un enregistrement en audiobook, créerait un manque à gagner.
- même si le rapport Reda ne préconise pas la légalisation du piratage et le tout-est-gratuit-sur-internet, et bien qu’il réaffirme la nécessité vitale de préserver la rémunération des auteurs, le message passé aux masses avec l’adoption de mesures laxistes irait dans le sens opposé, faisant courir le risque d’une dévalorisation accrue des œuvres avec des répercussions négatives sur l’ensemble de l’industrie.
- tous les acteurs qui participent à l’édition, la diffusion, la commercialisation, la promotion des œuvres sont mieux rémunérés et de façon plus pérenne que les artistes qui en sont à l’origine – pourquoi serait-ce à ces derniers de voir leurs droits rognés ?
- il existe un droit moral sur les œuvres qui se prolonge au-delà de la mort de l’auteur, pour éviter qu’on ne vienne les dénaturer au risque de blesser non seulement les ayants-droits directs mais aussi ceux qui ont aimé l’œuvre originale.
J’ai mis un peu de temps à comprendre ces arguments car j’ai l’intime conviction qu’ajouter de l’huile dans les rouages de la diffusion s’avère être, au final, un bénéfice pour les auteurs. Que les missions d’éducation sont fondamentales et que les livres en sont le bras armé, que créer une horde de lecteurs, par tous les moyens, serait le rempart le plus efficace contre la barbarie – celle de Boko Haram (« Livres,mauvais », rappelons-le) et Cie. Et que, à condition que le prix du livre numérique soit « raisonnable », la très grande majorité des lecteurs seront aussi des acheteurs.
Et puis suite à une discussion avec Denis Bajram, je me suis rendue compte que j’avais les moyens d’avoir cette intime conviction car, contrairement à d’autres, je n’ai rien à perdre. Il est facile pour moi d’affirmer que ce sera mieux autrement parce que même si je me trompe, ça ne changera pas ma vie. Nous avons établi que là où il demande une rémunération pour un travail accompli, je propose que l’on me récompense pour un plaisir apporté. Même si nous avons en commun de nous asseoir derrière une table pour créer un univers où se meuvent des personnages, cette même action lui permet de remplir son frigo et à moi de me payer, de temps en temps, un restau. Parce que mon activité d’auteur, telle que je la pratique, n’est pas un métier (souvenez-vous).
Ceci posé, je peux en venir au cœur de ce post et fixer les règles du jeu en vigueur dans le périmètre de mon bac à sable.
Vous pouvez donc (2) :
- partager vos exemplaires de la Tentation, numériques ou papier, avec qui vous voulez
- déclamer tout ou partie de mon œuvre publiquement, avec le ton et l’accent que vous souhaitez
- la traduire en braille, en anglais ou en bas mandchou
- l’étudier en classe et la présenter au bac
- l’adapter en film, en pièce de théâtre ou en BD 😉
- la pasticher, la caricaturer, la réécrire sans utiliser la lettre e ou à la manière de 50 Shades of Grey (sourire crispé)
- la proposer à votre bibliothèque, là aussi en numérique ou en papier
- inventer une autre fin pour le tome 8 parce que c’est quand même pas normal que [SPOILER]
Tant que vous n’en tirez pas de bénéfices financiers, nul besoin de m’en référer. Et si vous avez une idée pour faire tourner l’économie avec cette matière première, on peut en discuter 😉
Je sais que mes livres sont disponibles sur des plateformes de piratage. Je n’ai pas cherché à contacter ces dernières pour essayer de les faire retirer.
Si les utilisateurs de ces plateformes n’ont vraiment pas 3€ à dépenser pour un livre, ils ne me les auraient de toute façon pas achetés.
S’ils sont des téléchargeurs impulsifs, ils ne les liront sans doute jamais.
Et s’ils cherchent juste du contenu gratuit parce qu’à leur sens, les créateurs n’ont pas d’importance… ils n’apprécieront pas le contenu et la philosophie de mes livres et abandonneront leur lecture au bout de quelques chapitres
En fait, si vous voulez réellement me faire plaisir, que vous ayez payé ou non pour lire mes livres, je vous invite à laisser une critique, bonne ou mauvaise, sur Babelio, Amazon, Sens Critique ou le site / blog de votre choix. Le reste m'importe peu, et à vrai dire, ne m'inquiète pas.
(1) Il en existe d’ailleurs déjà : http://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_d%27auteur_en_France#Les_exceptions_au_droit_d.E2.80.99auteur
(2) Je vous demanderais toutefois de respecter le travail de mon illustrateur et de ne pas réutiliser ses couvs à des fins commerciales. Lui essaye d’en vivre !