C'est pas encore fini, cette histoire de Top100 ?

En réponse à l'article "En réponse à la polémique MyKindex" par Thibault Delavaud (oui, je sais, ça fait beaucoup de réponses...)

On pourra dire que cette histoire d’Amazon et de MyKindex aura fait couler pas mal d’encre numérique dans le petit monde de l’autoédition – vous me permettrez d’y ajouter le contenu de mon propre encrier.

Je suis moi-même auteur autoéditée depuis 7 ans et 7 romans – d’aucuns qualifieraient ça de persistance dans l’erreur mais j’y ai trouvé suffisamment de satisfactions pour ne plus accorder trop d’importance aux médisants. Malgré cela, si je m’en réfère aux chiffres, ceux de mes ventes me placent dans le camp des perdants. De ceux qui n’ont pas réussi à percer dans le Top100, à dépasser la barre des 1000 ventes, à forcer la porte d’un éditeur, à accrocher une Rolex à leur poignet avant leur vingt ans d’écriture. C’est avec ce pedigree, et du fond de mon tonneau amarré à la dix-sept et quelque millième place du classement d’Amazon, que je vais tenter d’expliquer pourquoi je suis en désaccord avec vous concernant un certain nombre de points que vous évoquez dans cet article :

  •  Vous récusez le terme de manipulation concernant l’impact de MyKindex sur le top100 d’Amazon. Techniquement, vous avez raison : vous avez bien obtenu le nombre de ventes qui vous permettent d’entrer dans ce classement. Mais vous savez très bien qu’il s’agit majoritairement de fausses ventes, de ventes achetées et payées, qui ne reflètent en rien l’intérêt que des lecteurs ont pu porter à vos écrits. Mettez-vous à présent à la place de l’auteur du livre classé à la 120ème place au plus fort de ses ventes réelles. (Il s’appelle peut-être Houellebecq ou Nothomb, ou alors Tartempion, je n’en sais rien.) Sans les vingt et quelques « propulsés » de MyKindex, son livre serait naturellement dans le top100 et bénéficierait de la visibilité associée. S’il s’agit d’un M. Tartempion, peut-être que le mot « manipulation » va lui trotter dans la tête pendant un petit moment…
  •  « Votre livre est dans le TOP100 ? Cela signifie qu’il est très apprécié » Justement… pas vraiment.
  •   « Mais, à moins d’acheter compulsivement ou les yeux fermés un livre, il est très facile de distinguer les « vrais » best-sellers des autres livres, propulsés ou non, figurant dans le TOP100. » Alors pour le coup, j’ai fait le test dit du « collègue lambda », lecteur-acheteur amazonien. A vrai dire, ils étaient même une dizaine. Je leur ai demandé s’ils associaient le top100 à la notion de best-seller et leur réponse a été rigolarde et unanime : évidemment. Bon, maintenant, ils sont au courant. Et quand je leur ai expliqué le truc, ils ont aussi été unanimes pour déclarer qu’ils « ne se laisseraient plus avoir ». On peut choisir de se voiler la face, de l’extérieur, ce système de propulsion reste vu comme une tentative de tromperie.
  •  « Outre les notes reçus, on remarque également que comparativement au nombre de lecteurs MyKindex qui ont acheté mes livres, assez peu d’entre eux ont finalement laissé un commentaire (environ 7 commentaires pour Dévotion Électrique pour environ 10 pour Eden pour 60 ventes garanties soit respectivement 12% et 17% des lecteurs). » Pour qui connaît un peu les taux de commentaires standards pour des livres publiés dans le circuit traditionnel : c’est énorme. Après, je ne prétends pas qu’il s’agit de faux commentaires. La même suspicion règne sur ceux que j’ai moi-même obtenus, d’autant qu’ils proviennent souvent de lecteurs qui n’ont pas commenté grand-chose d’autre. Je n’y peux rien, l’autoédition est capable de créer un engagement fort de la part des lecteurs qui choisissent de se bouger pour vous – et rien que pour vous. En revanche, si ces commentaires m’ont fait très plaisir, je ne pense pas qu’ils aient suffi à déclencher des ventes à eux tout seuls, on se rejoint là-dessus.
  •  « Pour rappel, si un lecteur s’estime lésé ou trompé sur le livre, il peut demander à Amazon le remboursement du livre jusqu’à 7 jours après l’achat. Dans ces conditions, quelle peut être l’arnaque ou l’escroquerie ? » La notion de Pile à Lire existe aussi pour les formats numériques. Quel est le pourcentage de lecteurs qui lisent un livre acheté dans les 7 jours ? Je crois que ça ne m’est jamais arrivé. Et si j’achète et lis un livre qui au final ne me plaît pas (je ne parle pas de fautes grossières et manifestes, mais de ce qui pourrait se produire avec un livre « potable » dont j’aurais attendu plus du fait d’une présence dans le top100), il ne me viendrait pas à l’esprit de me le faire rembourser… même si Amazon le permet.
  • Le fait que d’autres se livrent à des pratiques douteuses (achats de livres par les maisons d’édition, prix littéraires truqués, faux commentaires…) est à mon avis la pire des justifications pour vouloir faire la même chose tout en s’en défendant…
  •  Quant à Agnès Martin-Lugand, qui a utilisé le même système que MyKindex avec ses proches, on ne peut pas dire qu’elle ne s’en est pas pris plein la figure… Dans la vidéo que vous postez, déjà… Mince, on me payerait que je ne voudrais pas être à sa place, la tête sur le billot devant un aréopage de ricaneurs ! Dans une moindre mesure, on n’en dit pas non plus beaucoup de bien ici  (mais comme j’ai initié la discussion, peut-être est-elle suspecte ?). Bref, il reste toujours une odeur de soufre autour de l’auteur qui réussit en utilisant des « trucs » de ce goût-là.
  •  Qui sont les gagnants, qui sont les perdants ? Pas facile à déterminer, car cela peut vite changer. MyKindex a bénéficié d’une importante publicité dans le milieu des autoédités et y a sûrement gagné des clients. Mais en a perdu d’autres, aussi, ceux que cette polémique a effrayés. Les auteurs faisant appel à leurs services et qui l’ont reconnu ont été conspués… mais ont gagné en visibilité (car « Il n’y a pas de mauvaise publicité »). Tout comme ceux qui, blogueurs ou auteurs, ont rédigé de longs articles pour dire « hou, c’est mal… », il est vrai :-) . Amazon vend encore et toujours plus, et peut-être que M. Tartempion s’en fiche comme d’une guigne, du top100, tout occupé qu’il est (et sans doute comme nous devrions l’être…) à rédiger son prochain opus dans la fièvre de la création.

Au final, je ne trouve pas que cette polémique soit regrettable, puisque nous ne sommes pas tous d’accord et que nous sommes en démocratie :-) Ces discussions auront en outre permis de souligner la difficulté pour un auteur autoédité de se faire lire, de bénéficier de cette fameuse visibilité capable de créer un effet boule-de-neige entretenu, ensuite, par la seule qualité de ses écrits. Comme le dit très bien J. Heska dans l’article que vous citez, quand il s’agit de définir ce qu’on est prêt à tenter pour obtenir du « temps de lecteur », chacun place sa ligne jaune où il le souhaite. C’est pour cette raison que, en dépit de tous les points que je viens de citer et qui visaient essentiellement à souligner ce que j’identifie comme des inexactitudes, je ne condamne fondamentalement ni MyKindex ni les auteurs qui y font appel (s’il y a quelque chose de condamnable, ce sera à une entité spécialisée d’en juger, et même si j’ai pu avoir des doutes à ce sujet, je pense finalement que ce n’est pas le cas).

Mais une espèce de sens du moral ou de l’éthique m’empêche de trouver le procédé compatible avec mes propres exigences, avec le poids que j’accorde à une légitimation fondée sur le seul mérite et des efforts non monnayables, et qui ne s’accommodent d’aucune suspicion de tricherie. Je préfère fermer cette porte qui s’ouvrait peut-être sur le succès, parce que le succès tel que je le définis, et sur lequel je n’ai cessé de m’interroger à longueur de tomes depuis sept ans, je me rends compte que, sans le reconnaître, je l’ai déjà rencontré.

Je vous laisse, avec ce top100, ce à quoi je ne pourrai de toute façon jamais prétendre. Si, tous, nous voulons bien être lus, nous n’avons, chacun, pas la volonté d’y mettre le même prix.

[Réponse de Thibault à ma réponse à sa réponse - promis, j'arrête là - visible à la fin de cet article]

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