Alors, l'autoédition, ça marche? (bis...)

J'aurais pu intituler ce post : comment je ne me suis pas faite éditer. Ou guide pratique à l’usage de ceux qui ne veulent pas devenir riches et célèbres grâce à leur plume.
Mais il ne s’agit ici ni d’établir un constat d’échec, ni de faire la démonstration d’un succès flagrant. Plutôt de relater une expérience qui se situe un peu entre les deux.

Mon but n’est pas de promouvoir l’autoédition, ni de la descendre en flammes. Mais de montrer ce qu’elle peut apporter en grandes joies et en petites frustrations (qui peuvent être grandes aussi parfois).

Nous sommes en 1995, j’ai 19 ans, je suis élève en prépa scientifique dans un grand lycée parisien. J’ai pourtant dit à mes parents : je veux faire écrivain, mais ils m’ont répondu : fais Polytechnique d’abord. Je prépare donc Polytechnique en me gavant d’exos de maths, de physique, de chimie, dans un environnement que je perçois comme hostile. Pour me détendre (en vérité, pour ne pas mourir) j’écris. Les aventures de Peter Agor, un taupin de base, qui a les mêmes profs que moi et les mêmes doutes existentiels.

J’écris à la 3ème personne (je ne suis pas encore lui) des histoires rocambolesques où mes profs sont des espions à la solde du gouvernement. J’essaye de faire drôle, en tout cas, ça fait rire mes camarades quand mes feuillets A4 circulent sous le manteau après que j’ai piraté la photocopieuse du secrétariat.

1997 : j’intègre une école d’ingénieurs. Qui n’est pas Polytechnique. Mes parents sont sympas, ils ne me déshéritent pas. Je m’investis dans le journal de l’école où je profite de mon statut de rédac’cheftaine pour faire paraître mes histoires sous forme de feuilleton. Petit succès d’estime, mais tout cela reste de l’ordre de la blague potache et du private joke.

2007 : oui, 10 années ont passé. Vie normale d’ingénieur télécoms, je n’ai pas ré-écrit depuis que j’ai quitté l’école. Mon mari se remet à la guitare et moi j’ouvre un vieux .doc en me disant : est-ce que je pourrais en faire quelque chose de partageable. J’essaye pendant 6 mois de retravailler les aventures de Peter, mais ça ne marche pas. Pendant ce temps, mon mari fait des progrès à la guitare. Je suis frustration.

Et puis sur un coup de tête, je reprends ma centaine de pages et je passe tout à la première personne. Déblocage. Pendant l’été, un voyage en République Tchèque est l’occasion d’une balade de 2 heures dans une forêt au nom imprononçable. Au retour, je sais que je vais écrire une saga en 7 tomes et j’ai la trame globale de chacun d’entre eux.

(En fait, je ne veux pas vous donner le nom de la forêt en question ^^)

Novembre 2007 : j’ai fini mon tome I. Je suis très fière de mon point final. J’imprime mon manuscrit selon les canons en vigueur (A4, recto seul, police taille 12, interligne double) et j’envoie le tout aux 5 plus grandes maisons d’édition françaises. Et puis en attendant le Goncourt tout en me demandant si j’accepterais le Femina, j’enchaîne sur le tome 2.

Mai 2008 : j’ai reçu 5 lettres de refus type et j’ai terminé mon tome 2. Je découvre le site lulu.com et pour 10€ pièce, je commande deux exemplaires de mes romans. Ils arrivent une semaine plus tard. La couverture est toute verte, avec le titre et mon nom écrits en jaune dessus. C’est très moche mais je trouve ça beau. Au point que je me dis : et si j’essayais d’utiliser la plateforme de Lulu pour vendre mes livres ? Quelques clics de souris plus tard, c’est fait : je suis en vente, aussi bien au format pdf que papier. Je me souviens que je suis ingénieur télécom et je développe mon site web en utilisant joomla (ok, je fais les specs et c’est mon mari qui développe). Ça y est, j’ai une vitrine. Et je commence à dire timidement autour de moi que j’écris des romans policiers.

Décembre 2008 : tout le monde s’en fout, en fait, j’ai vendu 10 exemplaires. Mon premier tome est en téléchargement gratuit et j’en ai écoulés une centaine, mais sans savoir s’ils ont été lus. Pas grave, je viens de boucler mon tome 3 qui va rejoindre ses deux autres compères chez lulu.

Janvier 2009 : je m’inscris sur le forum prepa.org et je fais mon petit topic à moi avec un teasing qui aurait dû me faire mettre dehors manu militari par n’importe quel modo même bien luné. Pour une raison toujours inconnue, cela ne se produit pas. Je recrute quelques lecteurs. Je commence à cerner mon public cible.

Avril 2009 : je m’inscris sur Facebook. J’ai plein d’amis. Je découvre comment ça marche et j’ai moins d’amis. Vive le marketing 2.0.

Juin 2009 : je fais de la pub sur geekzone.fr. Là, le modo fait bien son boulot : je suis lockée rapidement. Je supplie : on me délocke. Et je découvre la jouissance suprême d’avoir de vrais fans. Ceux qui vous demandent : mais put***, il sort quand, le tome suivant ?

Août 2009 : je lance un appel sur geekzone.fr. Il me faut un illustrateur. Des couv toutes vertes, ce n’est plus possible. Drakulls répond à l’appel. Et je découvre quelques semaines plus tard l’œuvre d’un vrai artiste qui dépasse mes espérances les plus folles. Il enchaine sur les 2 tomes suivants pendant que je peaufine le 4ème de mon côté. Il est intéressé aux ventes - ce qui signifie en gros qu'il travaille de façon bénévole avec moi depuis 3 ans.

Septembre 2009 : le rédacteur en chef du magazine Tangente Sup me contacte. Suis-je intéressée par l’écriture de nouvelles courtes qui paraîtraient dans son magazine ? Au terme d’une danse de la pluie dont les conséquences manquent de rayer la Bretagne de la carte, je dis oui. Je suis officiellement publiée dans un vrai magazine auquel je livre depuis 4 nouvelles par an ainsi que des articles pointus que je ne me serais jamais crue capable d’écrire.

Un bonheur n’arrivant jamais seul, je suis interviewée par la radio Canal B dont l’animateur a apprécié le tome 1. Il ne donnera toutefois pas suite à ma proposition d’adapter la Tentation en feuilleton radiophonique. Dommage.

Décembre 2009 : Le 4ème tome paraît, j’ai enfin des livres dignes de ce nom, avec couv et 4ème de couv à livrer. Fierté.

Décembre 2010 : un congé maternité plus tard, je livre le tome 5 de ma saga. J’ai droit à une vraie critique dans le journal des Mines, qui a de quoi faire rougir des tomates. J’échange régulièrement avec ma petite communauté de lecteurs. Qui se sent impliquée dans mon travail. Je les kiffe.

Juillet 2011 : Daniel Fattore sur son blog me gratifie d’une nouvelle critique. Youpi. J’ai l’impression d’être un vrai auteur.

Août 2011 : Mon nombre de lecteurs stagne. Je n’ai plus vraiment d’idées pour augmenter leur nombre. Le système de l’autoédition commence à être connu – et d’autant plus dénigré. Je contacte une maison d’édition avec laquelle j’ai un échange instructif.

Décembre 2011 : Mon tome 6 est dans les bacs, mais je n’ai toujours pas de maison d’édition. Une amie sur Facebook, auteure, m’en recommande une, et ça devient un peu… tendu.

Janvier 2012 : je laisse tomber joomla pour wordpress. Je parle de mon site web. Il est quand même beaucoup mieux comme ça. Non ?

Mars 2012 : mes premières critiques sur Sens critique.

Juin 2012 : je rencontre mes lecteurs de geekzone dans un bar où je fais une séance de dédicaces. Il y a des gens qui sont tout contents de me rencontrer, c’est chouette.

Je découvre le forum des jeunes écrivains. Oh, un forum pour écrivains wannabe. Je lis et je me fais relire. Il y a des membres un peu bizarres mais on y fait aussi de belles rencontres. J’étais venue pour vendre, je me retrouve à porter un regard critique sur ce que j’ai écrit. Tant mieux. Il n’est jamais trop tard pour progresser.

Juillet 2012 : Je tente une nouvelle fois ma chance avec une petite maison d’édition. Et ça ne se passe pas bien.
Pour me venger, je vide une bouteille de chouchen et je me vends sur Amazon.

Août 2012 : je crée un compte twitter que je plug à mon site web et à mon compte Facebook. Ça y est, je suis 2.0 ++. Je colle des #LTPR partout. Et quand je me retourne, je vois qu’il y a des gens qui me suivent.

Octobre 2012 : je dévoile mes chiffres de vente.

Décembre 2012 : mon tome 7 est quasiment prêt. Alpha-relu et en cours de bêta-lecture. Je suis allée au bout de mon projet.

La suite...
Elle n'est pas encore écrite.
Mais j'ai plein d'idées.

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3 réponses à Alors, l'autoédition, ça marche? (bis...)

  1. CONDAT MARC dit :

    Trouvé par hasard sur KOBO voici deux ou trois semaines, le titre du premier tome de la liste m'a laissé un peu perplexe et j'ai hésité à me plonger dans la lecture du livre. Mais dès que j'ai commencé, je n'ai pu m'arrêter de lire les tomes les uns après les autres (je n'ai pas terminé). Papy de plus de 3/4 de siècle d'âge, cela m'a projeté un très grand vent de fraîcheur et fait remonté des souvenirs pourtant bien enfouis. Même cursus que l'auteur (berk la novlangue) : prépa scientifique d

  2. CONDAT MARC dit :

    je reprends : prépa scientifique dans un grand lycée parisien puis école d'ingénieurs. J'ai adoré retrouver cette ambiance si bien décrite avec ses blagues de potache, le plaisir de tordre les noms propres (que j'ai conservé au grand dam de mon entourage). Les intrigues sont bien ficelées même si on peut reconnaître des emprunts de forme (Agatha Christie par exemple - Whisky Bowling). On a même quelquefois peur. Les relations entre le héros et la détective tiennent très astucieusement en haleine au fil des tomes car on a envie de vraiment savoir ce qu'il va en être. Les caractères ainsi que les ressentis des personnages sont décrits avec beaucoup de précision et de finesse. Une belle évasion par la lecture doublée d'un grand plaisir.

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