Le Salon du Livre a commencé pour moi le vendredi 20 mars vers 12h30, au moment où je me suis dit : tiens, c’est demain que je me translate à Paris pour me vautrer dans les joies d’un bain de foule libriophile, où donc ai-je mis mon billet ?
Je le récupérerai quelques heures plus tard grâce à la diligence de l’être (probablement) humain qui twitte sous @SalonDuLivre et qui m’a guidée sur le sentier angoissant et pavé d’incertitude du « j’ai pas reçu mon billet par mail, ouin, comment je fais ? ».
Ellipse temporelle qui nous permet (presque) d’éviter les deux sangliers écrasés à vingt minutes d’intervalle par le TGV Rennes-Massy de 19h07 (c’est quoi la probabilité de broyer deux de ces pauvres bêtes sur le même trajet ?).
Samedi, 10h30
Je suis dans le métro, ligne N°4, gratuit pour cause d’air irrespirable (mourir, c’est so cheap), et je ne suis manifestement pas toute seule à me rendre Porte de Versailles. J’échange un regard de connivence avec un groupe joyeusement motivé qui débarque du Sud-Ouest, d’après l’accent, avec des poches ventrales façon kangourou qui doivent contenir un kit de survie jambon-beurre avec, caché au milieu, un bouquin pas acheté sur place à faire dédicacer (hou, les vilains !).
Il s’avérera, arrivés à destination, que nos chemins se sépareront, le groupe se dirigeant vers le Pavillon 2 où se tient le Salon du Golf. Tant pis pour le regard de connivence. (Et si ça se trouve, dans leurs jambon-beurre, il n’y avait que des cornichons.)
10h35
Une queue à la française se masse devant le bâtiment autour des entrées avec billet.
Un type à l’air pas commode passe les troupes en revue et renvoie vers les vestiaires extérieurs les possesseurs de sacs à roulettes. Une petite dame argumente sur sa sciatique et la quantité de livres qu’elle compte acheter au salon, mais le type pas commode s’en moque – c’est pas pour rien qu’il est pas commode.
10h50
J’atteins le sas d’accès sponsorisé par les industriels des labos pharmaceutiques – dix minutes de purgatoire sous une soufflerie, je ne vois pas d’autre explication.
11h00
Fouille du sac à dos.
— Ce livre, c’est pour une dédicace ?
— Heu, non.
— Vous êtes sûre ?
— Ben oui, et puis c’est moi qui l’ai écrit…
Argument recevable. Je remballe mon tome I de la Tentation de la pseudo-réciproque et on passe à l’étape suivante.
11h01
Passage au détecteur à métaux.
Un détecteur à métaux pour entrer dans une librairie. Apple qui annonce sa watch. Amazon qui se lance dans l’édition et recrute un éditeur français. Les centres de désintoxication aux écrans qui se multiplient. La montée du FN.
Bon bon bon. Tout se met en place façon LTPR tome 8, on dirait.
11h05
Je repère la zone réservée aux indés, au numérique, à l’innovation. Passage sur le stand d’Iggybook. Une vitrine web offerte aux auteurs avec des liens vers leurs boutiques et la possibilité, sur abonnement payant, de commercialiser directement un ebook en récupérant 100% du prix. Du coup, j’ai créé ma page auteur, et en fonction de l’intérêt, je regarderai pour la commercialisation.
11h30
Rencontre avec Luc Deborde, des éditions Humanis. Un de ces éditeurs qui a dit non à la Tentation – mais en prenant la peine de le faire dans les formes. Son site regorge de bons conseils aux wannabes.
12h05
Je me retrouve nez à nez avec François Hollande. Je le regarde. Il me regarde. J’essaye de pénétrer dans son cerveau histoire de modifier deux-trois trucs. Et je me prends un coup de coude de la part d’un Man in Black à oreillette. Quand je rouvre les yeux, le nuage de gens, de micros, de caméras, de smartphones brandis en mode appareil photo, s’est éloigné dans l’allée. Il s’est peut-être passé un truc de ouf à ce moment-là mais comme j’ai probablement été flashouillée, je ne me souviens plus de rien.
12h35
Je repère le stand de leslibraires.fr avec qui j’aimerais bien discuter de leur façon d’adresser les indés, vu qu’ils se présentent comme l’alternative citoyenne à Amazon. Et qu’Amazon, on a beau dire, mais peu ont fait autant pour les indés. Mais ça doit être l’heure de la pause-déjeuner – il n’y a personne. Je repasserai.
12h50
Petit tour chez Gordon Zola, des Editions du Léopard Masqué. Un autre éditeur-qui-a-dit-non mais sympathiquement. On s’était déjà croisés à Saint-Malo, et il s’en souvenait ! Je lui ai demandé de me recommander un de ses polars, et je suis l’heureuse propriétaire d’un exemplaire des Parasites artificiels dédicacé.
13h15
Je découvre sur Facebook que l’auteur de cette critique du tome I de la Tentation est présente sur le salon. Je prends une grande inspiration et propose qu’on se rencontre. Quelques échanges de SMS plus tard, je la repère entre les deux files d’attente pour Gilles Legardinier et Amélie Nothomb. Les deux grands noms se font face – et au milieu, ça fait un bouchon.
Bref, elle a l’air intimidée et moi, je sais que je le suis.
Ça me fait penser à ce billet de Catherine Dufour en hommage à Terry Pratchett, où l’auteur de Blanche-Neige et les lance-missiles raconte qu’elle a failli aborder son idole à l’occasion des Utopiales en 2003, mais qu’elle n’a pas osé. Moi aussi, j’étais à ces Utopiales-là. Et c’est Catherine Dufour que je n’avais pas osé aborder.
13h45
Toujours personne au stand de leslibraires.fr. Et moi qui voulais tailler le bout de gras sur toutes ces merveilleuses initiatives qu’auteurs indés et libraires pourraient mettre en place pour se soutenir mutuellement… Comme des séances de dédicaces qui sortent un peu des sentiers battus, par exemple. Ce sera pour une autre fois.
14h00
Je mange des bonbons.
14h30
Oh, un bouquin de maths.
14h45
La manif des auteurs se met en branle, à coups de crécelles et de flonflons.
Source: Le Monde, Frédéric Potet
En tant qu’auteur qui ne coche pas la même case dans sa déclaration d’impôts, je ne suis pas concernée. En tant que lectrice, je n’ai pas envie que ceux que j’aime disparaissent. Ni qu’on empêche ceux que je pourrais aimer de naître. Le deuxième risque me paraît plus grand que le premier. Les revendications du mouvement me semblent floues, résultant de peurs diverses ; celle que tout change (droits sociaux amoindris, droits d’auteur affaiblis) et que rien ne bouge (contrats d’édition qui ne permettent déjà pas de vivre).
15h03
Point #VendrediLecture dans la zone pique-nique. L’occasion de mettre un visage sur les pseudos de la team qui vous exhorte à partager votre lecture du moment sur twitter tous les vendredis. Ils sont là, autour d’une boîte de muffins au chocolat.
Source: VendrediLecture
Le but de l’association : que la francophonie échange sur ce qu’elle lit, qu’elle discute, qu’elle débatte, qu’elle conseille. Un classement des livres cités est publié chaque semaine, et répondre au sondage vous donne le droit de participer à un tirage au sort permettant de gagner un livre offert par un partenaire.
La position en tailleur convenant mal à mes articulations de je-n’ai-plus-vingt-ans-tenaire, j’en ai complètement oublié de demander si VendrediLecture accepterait un partenariat avec un auteur indé. #VendrediLecture, si tu me lis, la question est posée.
15h30
Je rencontre Vanessa du Frat, auteur de la saga en cours de publication les Enfants de l’Ô. Petit effet « ah ! c’est marrant de se voir en vrai », alors que vous vous côtoyez depuis des années sur Facebook.
15h45
Je sors du Salon du Livre pour me rendre dans un lieu secret avec un objectif secret. Nous aurons, je l’espère, l’occasion d’en reparler.
Et alors, tu vas y retourner, au Salon du Livre, l’année prochaine ?
Question bonus. Je ne sais pas. L’idée de payer pour entrer dans une librairie est un peu étrange. Je ne cours pas derrière les dédicaces non plus (j’aime pas qu’on gribouille mes livres :p), et je n’ai pas l’impression qu’un salon aussi agité soit le lieu idéal pour échanger de manière approfondie avec des auteurs – et ça, bien sûr, j’adorerais.
Reste le point de rencontre.
Mais faire salon à l’extérieur du Salon me semblerait, à tout prendre, une excellente option.