Qu’est-ce que ça fait de revenir sur les lieux du crime ?

Ça fait dire que, curieusement, tout est différent sans que rien n’ait vraiment changé. Le kebab vend toujours des kebabs, l’italien des panini tomate-mozza, la crêperie des galettes vaguement bretonnes – mais les enseignes ont dû tourner trois ou quatre fois pendant les quinze ans qui me séparent de ma dernière visite officielle, quand j’avais encore le statut « d’étudiante du Quartier Latin ». La boutique de jeux de société, de cartes et de comics qui m’incitait à dépenser un temps et un argent que je n’avais pas, est, elle aussi, encore là. Et puis il y a le lycée. Ses murs bien connus, ses escaliers aux rampes lisses, ses couloirs, que je ne sais toujours pas arpenter sans ressentir la pointe de stress qui m’a accompagnée pendant toutes mes années de prépa. Les étudiants me paraissent tellement jeunes que ça me fiche un coup de cafard. Devant une salle, une jeune fille, des écouteurs dans les oreilles. Sa musique numérique se dévide sans accroc alors que la mienne modulait étrangement avec les piles de mon walkman. Dans la classe d’informatique, des Macs flambant neufs ont remplacé les stations d’antan. Je n’ose demander si on y fait encore du Pascal. Des tableaux noirs ornent toujours  les salles de cours mais goûtent de moins en moins la poussière de la craie, attendant que les vidéoprojecteurs finissent d’en faire les symboles d’un autre siècle. Les profs, enfin. A part celui qui me guide, je n’en connais plus aucun – tout juste vais-je recroiser un prof de SI dont je préfère qu’il ne se souvienne pas de moi et de mon incapacité absolue à visualiser en 3D. Certains sont à la retraite, d’autres ont changé de point d’ancrage, les derniers, ceux dont personne n’a plus de nouvelles, ont peut-être définitivement largué les amarres. En sortant de là, je retrouve des automatismes oubliés, le chemin vers le métro qui me ramène à la maison, alors que j’avais hésité en arrivant. La mémoire est comme un muscle qui fond si on ne l’utilise pas. Je remercie M. FD de m’avoir ouvert les portes du temps.

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