C’est quoi, le « Manège des amertumes » ? Et c’est qui, Isabelle Baldacchino ?

Une fois n’est pas coutume, je vais prendre les choses à rebours et tâcher de répondre d’abord à la deuxième question. Alors :

« Isabelle Baldacchino est née en Hainaut (Belgique) et y vit toujours. Professeur de français, patronne de restaurant, comédienne, animatrice d’atelier d’écriture... Elle trouve même le temps d’écrire. En 2010, elle ose enfin confronter sa prose au regard du public. Elle remporte des concours de nouvelles et publie dans des ouvrages collectifs. Elle séduit enfin les Editions Quadrature en 2011 qui retiennent « Le manège des amertumes », une œuvre soutenue par le Fonds National de la Littérature. »

Bon, je ne prends pas beaucoup de risques, c’est comme ça que les Editions Quadrature présentent très officiellement leur nouvel auteur.

Mais Isabelle, c’est aussi la plume derrière ce blog, celle qui vous donne des envies de vous tordre en deux en tapant du pied sous la table (parce que rire ça peut faire mal des fois. Elle vous conseillera d’ailleurs sûrement de vous remettre de vos émotions à coups de liqueur extraites de chocolats Mon chéri.) Enfin ça, c’est quand elle était maudite. Que nous trinquions ensemble entre auteurs non-édités, elle au mazarelli et moi au chouchen (particularisme régional oblige) pour oublier dans les vapeurs d’alcool les piques scélérates d’éditeurs forcément torves, véreux et moches. Faut croire qu’on s’était trompées sur au moins l’un d’entre eux. Puisque Isabelle est passée de l’autre côté, celui lumineux de la Force, et voilà donc un an qu’elle prépare la sortie de son premier recueil de nouvelles chez Quadrature : Le manège des amertumes.

Nous y sommes, je vais pouvoir aborder la première question. Et vous en dire un peu plus sur ce qui tourne en rond dans le Manège d’Isabelle.

Déjà, elle cache bien son jeu, la coquine. On la sent toute guillerette derrière son blog, à s’enivrer virtuellement de bons mots tout en haranguant le passant avec une gouaille généreuse. Le titre de son opus m’avait certes mis la puce à l’oreille (« amertume guillerette » n’est pas une expression très usitée, reconnaissons-le) mais j’avais tout de même en tête quelque chose de léger, de fun, de marrant, quand j’ai double-cliqué sur son pdf (reçu en avant-première en ma qualité de blogueuse littéraire… hum).

Autant vous dire que ça m’a fait comme un choc. Non, on n’est pas dans le léger, le fun, le marrant. Mais dans le dur, le réel, le froid, le clinique. Parfois, le glaçant. Ce que nous raconte Isabelle – à travers les 4 nouvelles que j’ai pu lire en tout cas – ce sont des tranches de vies maltraitées, abîmées, tiraillées, qui laissent sur le bout de la langue l’amertume promise. Pas de tromperie sur la marchandise. Même si, quelque part, en raison de ce que je lis, en raison de ce qui habituellement me plaît, j’aurais voulu être trompée. Pourquoi ne me suis-je pas arrêtée dans ma lecture, dès le thème de la première nouvelle compris et encaissé ? A cause des mots d’Isabelle. De leur force hypnotique. De leur façon de rimer et de vibrer en harmonie avec un je-ne-sais-quoi, chez nous, qui demande à être violenté.

« Je le regarde, le sens, le respire, le touche, le caresse.
Je le pense à cent mots, à mille messages.
Je pense, mais je n’arrive pas à dire.
Mes voix multiples se coincent dans ma gorge sèche. »
 
« Je pose enfin les armes. J’ai enlevé ma cuirasse et ma muselière.
Je parle, raconte, avoue, bafouille, chuchote, murmure.
Le moment arrive où on ignore la suite, où l’histoire n’a pas de chute.
Où l’attente se donne pour seule compagne. »
 

La mise en forme n'est pas l'originale, mais j'ai voulu disposer ces phrases ainsi pour souligner leur scansion. Car c'est cette poésie en prose qui m’a conduite à travers les pages aussi sûrement que si un spectre m’avait tenue par la main. On a rarement envie de suivre un spectre mais pas tellement envie de le contrarier non plus. Et le désir de découvrir où il va nous mener finit par être plus fort que tout.

Je n’ai pas encore fait le tour du manège d’Isabelle, peut-être réserve-t-il d’autres surprises, des chevaux de bois aux canines de vampires ou une sirène prête à nous entrainer au fond d’une cave – un endroit bien pire que le fond de la mer. Mais je le conseille aux amoureux des belles phrases qui veulent bien se laisser captiver par des histoires en quête d’espérance.

Oh, et je finis quand même par une petite preuve que l’humour n'a pas complètement déserté le carrousel :

« 22h30 : Merde, mon patron m’offre un verre.
02h04 : Je me réveille. Ouf. J’ai fait un cauchemar horrible : j’ai rêvé que je fraternisais avec l’ennemi du prolétariat.
02h04 et 10 secondes. C’est qui ce type dans mon lit ?
02h05 : Je suis au lit avec mon patron. »
 

 Je n'hésiterai pas, pour ma part, à monter à bord.

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