Comment ne pas gagner une thune avec sa plume ?

Parce que des sites qui vous expliquent comment convertir vos alignements de caractères en espèces sonnantes et trébuchantes, il en existe déjà une brouettée sur la toile. J’imagine qu’ils savent de quoi ils parlent. Et qu’ils ont permis à un paquet d’auteurs de se payer un loft à St-Germain-des-Prés ou une villa avec jacuzzi à Biarritz grâce à leurs droits d’écrivain.

Mauvais calcul.

Rien ne nuit tant à la créativité que l’inquiétude fiscale. Ou bien alors, une angoisse qui vous tombe dessus avec l’ouverture de votre premier PEA, une crainte qui ne vous quitte plus quand le CAC dévisse, et c’en est fini de cette insouciance primesautière qui permettait à votre moi profond de s’exprimer sur une page aussi vierge que votre compte en banque. Vous écriviez alors dans une urgence fiévreuse nourrie d’immédiateté ; vous voilà obligé de jongler avec les séances de dédicace, les cocktails littéraires et les invitations de Pivot à Apostrophe (oui, la télé, ça fait un moment que j’ai décroché). Du coup, vous ne savez plus raconter que des histoires d’avocats d’affaires gaulés comme des dieux, habillés par Versace pour faire leur jogging à Central Park (où ils rencontreront l’amour. Ou un teckel qui parle.)

C’est pour vous détourner de ce triste tropisme que j’ai décidé de partager avec vous quelques astuces qui vous permettront de conserver votre fraîcheur d’éternel wannabe en ne récoltant pas une piécette avec vos écrits. Vous pouvez me faire confiance : je suis une spécialiste de la question.

Tout comme la meilleure façon de ne pas acquitter l’ISF est de ne pas gagner de quoi y être assujetti, le moyen le plus simple de ne pas se remplir les poches en écoulant ses oeuvres est de ne pas les faire payer.

Palsembleu, vous dites-vous in petto, me prendrait-on pour un cruchon ? J’aurais pu, sans me farcir de prose raverienne, parvenir à la même conclusion.

Ha ha. Oui mais non. Parce que s’il ne s’agit pas d’aller embrasser Fortune et Gloire à pleine bouche, il s’agit tout de même de ne pas se retrouver sur la paille pour autant.

D’où ces quelques pratiques sur lesquelles j’attire votre attention :

 Astuce N°1 : proposer votre livre gratuitement de façon illimitée, certes, mais au format numérique.

C’est cool, le format numérique, ça ne coûte rien à produire. Mais si vous êtes d’accord pour offrir le fruit de vos nuits blanches contre que dalle, encore faut-il le faire savoir à la cantonade. En ces temps de connectivité débordante, la cantonade déambule sur Twitter, Facebook, Blogs et Forums. Là où vous irez vous présenter, votre bousin sous le bras. A l’esprit chagrin qui viendrait vous asséner « Achtung. Nein pub » (j’ai fait anglais-espagnol-latin, mais vous avez saisi l’idée), vous pourrez lui répondre « Oui mais, là, c’est gratuit ». Une bonne façon de clouer le bec du freluquet.

Et puis si le téléchargement d’un fichier numérique par un anonyme ne satisfait pas votre fibre sociale désireuse d’échanger avec son prochain, vous pouvez toujours choisir de remettre vous-même votre prose contre un petit message via un formulaire de contact.

Les astuces suivantes s’appliquent aussi bien aux livres papier qu’aux livres numériques.

Astuce N°2 : proposer votre livre en échange d’une critique

C’est propre, net, et potentiellement satisfaisant pour l’ego si la critique est bonne. Vous prenez également le risque de vous recevoir une savate dans la tronche, mais… « tout mais pas l’indifférence », s’pa ?

Astuce N°3 : proposer votre livre comme prix d’un concours

Comme celui-ci, par exemple. Encore mieux quand l’organisateur du concours vous a lu et est content de vous partager.

Les astuces suivantes sont spécialement réservées aux livres papier.

 Astuce N°4 : inscrire votre livre à un programme de bookcrossing

LTPR_LLGLe bookcrossing, c’est l’abandon de livre par consentement mutuel. Quoiqu’on n’a jamais vraiment su ce que pensait un livre laissé sur un banc et se prenant une saucée en pleine poire. Mais l’idée, c’est que le premier passant tout frétillant de curiosité s’empare de l’objet, le ramène bien au chaud chez lui, découvre le petit papier collé à l’intérieur où est référencé le site Internet permettant de suivre ses pérégrinations grâce à un code barre unique, lise, poste son avis et redépose l’objet dans un nouvel espace public.

Il peut arriver que le premier passant soit un chien tout frétillant de la queue. Ou un quidam déconnecté. Ou un agent de la propreté qui verra dans cet objet abandonné un vecteur de pollution. Auquel cas, vous ne saurez jamais ce qu’il est advenu de votre livre. Vous pourrez alors le considérer comme une offrande laissée au Dieu de l’inspiration.

 Astuce N°5 : déposer votre livre dans un kiosque d’échange

kiosque_LTPRUn rien moins aléatoire que le bookcrossing, quoiqu’assez similaire dans le principe. Au moins, le livre est à l’abri des intempéries et en bonne compagnie.

 

 

 

 

 

 

Astuce N°6 : offrir votre livre à une bibliothèque

Bibliotheque du théâtre (c) André PelleVotre bibliothèque municipale ne ressemble peut-être pas tout à fait à celle-ci, mais elle se montrera certainement ravie d’accueillir la production d’un écrivain local susceptible en outre d’intervenir en séances de dédicace. Voire, si le sujet s’y prête, de déclamation. Il y aura peut-être même du jus de pomme et des olives. Attention toutefois : il se pourrait que cette pratique vous rapproche dangereusement du loft à Saint-Germain, donc n’en abusez pas.

Et voilà, chers amis, quelques trucs et astuces pour ne pas gagner une thune grâce à votre plume. Si, malgré tout, vos envies vous poussaient plutôt du côté lumineux de la gloire et de la fortune, vous trouveriez ici meilleure compagnie 😉 . Et si vous pensez que je vis dans un monde de bisounours, vous… bref, je préfère laisser la parole à mon camarade Jean-Fabien, expert sur le sujet.

En attendant de vous croiser sur un banc, dans un kiosque ou via mon formulaire de contact (je vous ai dit qu’il permettait d’obtenir un tome I gratuit au format numérique de votre choix ?), je vous bise affectueusement les joues.

 

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