Je ne connais pas beaucoup d'auteurs qui ne soient pas capables de passer des heures à parler de leur passion pour l'écriture et de leur rapport à la virgule.
Voici donc une interview réalisée par Renaud L., directeur de la publication du Coup de Venst, le journal des étudiants de Télécom Bretagne.
Pourquoi avoir commencé l'écriture ? Vous faisiez autre chose avant ?
J’ai eu la chance de pouvoir m’essayer très jeune à plusieurs activités comme le tennis, la danse, le violon et même la programmation informatique en plus de l’écriture. J’ai décidé de persévérer dans celle où j’avais l’impression de contrôler autre chose que des petites balles jaunes, de ne pas mettre mon corps ni celui de mes voisins en danger, d’épargner l’audition de mes proches et de réussir à faire passer des émotions. Même si je ne doute pas qu’un programme informatique particulièrement bien codé puisse faire venir les larmes aux yeux.
Et maintenant, que préférez-vous dans l'écriture ?
Il y a trois phases dans ma façon de travailler pour créer un livre : la mise en place de l’intrigue, avec la complexité inhérente à des histoires policières, l’écriture elle-même faite de ces moments de joie où le bon mot se retrouve exactement à la bonne place, et l’attente angoissée des retours de mes lecteurs. Ce que je préfère, c’est la succession de ces trois phases et de prendre un plaisir égal à chacune d’entre elles.
Je vois sur votre site que vous gagnez apparemment de 1000 à 10 000€ par an : donc vous ne vivez pas de l'écriture. Comment concilier votre vrai travail à l'écriture et les autres activités sociales ?
Hem, mon activité littéraire me rapporte même beaucoup moins que ça ! Il n’y a d’ailleurs guère plus d’une centaine d’auteurs en France qui peuvent vivre exclusivement de leur plume de romancier. Concilier son travail d’écriture avec la vraie vie, celle où on passe du temps avec son conjoint et ses enfants, celle où l’on doit gagner de l’argent pour payer son loyer, c’est donc le lot de milliers d'écrivains. Il n’y a pas de secret, pour y parvenir, il faut de l’organisation. Savoir segmenter ; se concentrer ; équilibrer ; dormir peu. Un conjoint compréhensif, ça aide beaucoup aussi.
Vous voyez l'écriture comme un besoin, un hobby, une source de gloire ... ? Si c'est un besoin, est-ce sain comme addiction ?
C’est un besoin, un hobby et une source de gloire, même si on ne rencontre cette dernière qu’à travers quelques "like" sur sa page Facebook. Il faut savoir que c’est une addiction. L’envie d’écrire peut tout engloutir sur son passage et mettre en péril votre relation avec la vie réelle si vous n’apprenez pas à la maîtriser. Ce qui la rend acceptable, à défaut de saine, c’est la capacité du drogué à se faire passer pour un être normal auprès de son entourage. Même si lui sait qu’il n’est est rien. Mouhahaha (rire dément).
Considérez-vous vos romans comme autobiographiques ? Est-ce plus facile d'écrire sur un sujet que l'on connaît si bien ?
La Tentation de la pseudo-réciproque n’est pas une autobiographie (je n’ai jamais déjoué d’attentat visant à faire exploser mon lycée et je doute que la laverie de Télécom Bretagne abrite le genre de fantôme dont je parle dans le tome 3…) mais elle contient évidemment des éléments tirés de mon expérience. Le lycée Pépin-le-Bref est un concentré de Louis-le-Grand et de Fénelon, l’école d’ingénieurs OUEST et son campus battu par les vents situés sur la Pointe des Corsaire rappelle bien sûr TB (et le Karrément à l’Ouest le CDV…). Mais j’y ai surtout glissé mes doutes, mes angoisses, et mes espoirs. Je ne sais pas si c’est plus facile de parler de quelque chose que l’on connaît, mais pour ma part, c’est ce que j’avais envie de faire.
Maintenant, avec le recul, que pensez-vous de votre prépa ? Des regrets ?
Non, aucun ! Même si j’en ai bavé à l’époque. Sans doute pour de mauvaises raisons. Mais sans ce passage-là, je ne serais pas là où je suis actuellement : pile au bon endroit ! Mon seul regret, c’est que le rythme de la prépa ne m’a pas donné le temps de prendre du plaisir à apprendre. Je me rattrape maintenant, grâce notamment à ma collaboration avec le magasine Tangente Sup pour lequel j’écris des « nouvelles à caractère mathématique ». Cela m’oblige à remettre de temps en temps le nez dans des équations.
Est-ce que votre formation vous a aidée pour l'écriture ?
C’est plutôt l’écriture qui m’a aidée dans ma formation, puis dans mon métier d’ingénieur. Etre capable de s’exprimer, de se faire comprendre, de donner à vos interlocuteurs l’envie de vous lire et de vous écouter, ça sert à bien d’autres choses qu’à écrire des livres.
Vous décrivez vos livres comme scientifiques, policiers, initiatiques, d'espionnage, politiques, d'amour, d'horreur. Vous ne semblez apparemment pas capable de vous cantonner à un style. Est-ce pareil dans la vraie vie?
Je n'ai pas volontairement cherché à écrire quelque chose qui soit à cheval sur plusieurs cases, j'ai simplement pris conscience que je n'entrais vraiment dans aucune quand je me suis mise en quête d'un éditeur. Un éditeur, contrairement à moi, ça aime bien les cases. Mais pour exister, mon histoire a besoin de toutes ces composantes qui peuvent paraître disparates. Et puis il s'agit moins d'une diversité de styles que d'une diversité de genres au service d'une trame que je crois (que j'espère!) originale. Ensuite, dans la vraie vie... je pense que je ne ressemble pas à ce que j'écris. Kylie Ravera n'est au final qu'un personnage de mon histoire, et je sais m'en détacher quand il s'agit de faire des choses où la folie n'a pas sa place (écrire un cahier des charges, concevoir une présentation powerpoint, calculer un ROI, préparer le dîner...)
Vos lectures sont-elles aussi éclectiques ?
Mes lectures sont effectivement éclectiques: grands classiques français et anglais, polar, SF, Fantasy. Il n'y a guère qu'avec le roman contemporain français que j'ai du mal. Beaucoup de succès actuels me font lever un sourcil cironspect. Et souvent les deux.
Que conseillerez-vous à quelqu'un qui veut se lancer dans l'écriture ?
De ne pas se poser de question. La gloire ou la fortune, je ne pense pas que l’on puisse se fixer comme objectif de les atteindre, car c’est complètement aléatoire. On écrit parce qu’on ne peut pas faire autrement. Se faire lire, ensuite, c’est une autre histoire…