"Le journal d'un écrivain sans succès": quoi qu'est-ce donc?

Il y a des bouquins qui vous tombent dessus comme une évidence : un titre qui vous titille ; une couverture qui vous intrigue ; un pitch qui vous dit « j’ai été écrit pour toi, lis-moi » ; un auteur inconnu mais qui a le bon goût discutable de se cacher derrière un pseudo absurde et une photo de primate sur son profil Facebook.

Bon, « Le journal d’un écrivain sans succès » n’a pas tout à fait été de ceux-là.

Mais il aurait pu.

J’ai rencontré son auteur sur un forum de jeunes écrivains (toujours le même, malgré un ravalement de façade plutôt réussi) et nous nous sommes liés sur Facebook pour nous tenir au courant de nos activités respectives. Oui, les auteurs entre eux ont aussi cette tendance un peu mystérieuse à se renifler le train. (Histoire peut-être d’essayer de se piquer des lecteurs ?)

J’ai donc été avertie par voie de blog/Facebook/Twitter de la sortie imminente (qui plus est chez un éditeur-un-vrai) du journal en question. Son blog m’ayant donné un a priori favorable sur le style pince-sans-rire et vannesque de Jean-Fabien, c’est avec une réelle curiosité que j’ai pris connaissance du thème de son roman.

Il était une fois un ingénieur informaticien qui caressait l'espoir de devenir écrivain...

Tiens, me dis-je in petto, nous foulons les mêmes plates-bandes. Dès lors, l’étude de la concurrence s’imposait.

Profitant d’un passage à Paris (où j’échouai dans mon objectif principal qui consistait à placer subrepticement des exemplaires de LTPR dans les rayons de Gibert), je me procurai à la source un exemplaire du dit-bouquin. (Donc maintenant, en plus d’une dédicace de Tim Powers et de Terry Pratchett, j’en ai une de Jean-Fabien).

La grippe saisonnière me le fit dans un premier temps mettre de côté, mais comme il n’y a heureusement pas que les meilleures choses qui ont une fin, je retrouvai bientôt l’usage de mes connecteurs neuronaux – ceux dont j’ai besoin pour lire autre chose que la notice d’une boîte de Doliprane.

Très rapidement (dès la couv, en fait), je suis tombée sur ce passage, citant une lettre manuscrite reçue par Jean-Fab’ (je vous rappelle qu’on est potes sur Facebook, je l’appelle comme je veux) de la part d’un éditeur :

« Cher Jean-Fabien,
Merci de la confiance que vous nous avez témoignée en nous confiant votre manuscrit.
A vous de nous faire confiance désormais en nous lisant.
Si je prends ma plume, c’est que l’encre de mon stylo coûte moins cher que celle de l’imprimante, et que nous sommes en période de rationalisation de nos coûts.
Je vous en conjure donc : croyez-moi si je vous dis que vous êtes à la littérature ce que le hachis Parmentier Findus est à la grande cuisine.
Je vous avoue cependant ne pas avoir osé mettre votre « œuvre » dans le micro-ondes, même si telle est sans doute plus sa place que sur une étagère de bibliothèque.
Bien à vous, et sans rancune.
Alphonse V. »
 

Une telle communauté de destin ne peut être qu’un signe, me dis-je in petto pour la deuxième fois. (Nous noterons au passage la clairvoyance de cet Alphonse V. qui avait, semble-t-il, su détecter avant tout le monde les errements équins de la firme aux lasagnes frelatés.)

Et de me plonger à corps perdu dans les aventures de ce chef de projet informatique qui a l’idée de se prétendre écrivain pour draguer la minette (aka femme de sa vie de pseudo-geek pseudo-macho) pendant qu’autour de lui, son entreprise, ses collègues, son chef, partent gentiment en vrille, façon tourniquet (les systèmes round robin, ça vous parle ?).

Alors c’est drôle. Parfois trop. « Trop de vannes qui tuent tuent la vanne qui tue », me disait d’ailleurs un éditeur célèbre qui argua justement de ce motif pour refuser mes propres écrits.

Mais tant pis parce que moi, qui ne suis pas éditeur, j’aime bien.

D’échanges de SMS en extraits de blogs, en passant par des confidences sur polochon, on finit par le trouver attachant, ce Jean-Fabien habité d’un wannabeisme émouvant. Il a pourtant l’air de se foutre de beaucoup de choses, drapé dans son cynisme et son machisme comme dans une armure (drapé dans une armure ? Vraiment ?). Une armure qui protégerait finalement de tout, sauf de la solitude.

Le truc un peu troublant, c’est qu’il devient difficile de faire la part des choses entre ce que raconte le personnage Jean-Fabien et ce que raconte son auteur, Jean-Fabien. J’imagine que l’ambiguïté est voulue. Sinon, il y a quelque chose qui a foiré grave. Mais cette mise en abyme rend le livre d’autant plus intéressant (je vous rappelle que je suis juste pote sur Facebook avec JF, hein, ça veut dire que je ne le connais pas vraiment.) Le rapport à l’écriture (plus que celui au métier d’ingénieur, ou avec le sexe opposé) est un fil rouge sur lequel s’articule la trame du récit. C’est ce qui importe, au fond. Ce qui reste.

Je vous laisse juger si ce roman peut plaire à quelqu’un qui n’a pas fait des études d’ingénieur, qui n’abuse pas de la vanne pour masquer les doutes qui parcourent son moi profond et qui n’entretient pas avec l’écriture une relation psychotique.

Pour des raisons assez évidentes, je n’ai pas de réponse à cette question.

Et sinon, moi, ça m’a bien plu.

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