L'autoédition, c'est un truc de maso, en fait, non?

Non.

J'en veux pour preuve cet article que je postai tantôt sur un forum consacré à l'écriture (toujours le même) et qui me permet d'apporter une réponse si ce n'est définitive, du moins circonstanciée, à cette épineuse question.

Les plaisirs de l’autoédition.

Oui, vous avez bien lu. Ce que beaucoup vouent aux gémonies, comme une pratique honteuse dont les adeptes souffriraient d’une étrange combinaison de peste bubonique et de narcissisme congénital, peut être source de différents plaisirs.

- Le livre

Je parle bien du livre physique, celui avec des pages qui se froissent et se marquent de l’empreinte d’un pouce enduit de Nutella, celui avec une jolie couverture qui brille et une quatrième de couv comportant votre bobine ou tout autre avatar de votre choix, votre bio sur trois ligne et un résumé de votre opus (plus un code barre représentant votre ISBN et, oui, le prix unique de vente). Lorsque vous recevez ça par la poste en échange d’une dizaine d’euros, croyez-moi, vous êtes tout jouasse. Et il y aura forcément quelqu’un pour s’exclamer dans votre entourage: « oh, on dirait un vrai ». (D’ailleurs, c’est un vrai.)

Vous prendrez ensuite un plaisir certain à vous relire sur ce support imprimé. J’ai toujours trouvé que les fautes et les maladresses s’y voyaient plus qu’ailleurs, donc c’est déjà une bonne étape en termes de relecture finale.

- Les rencontres

L’autoédition ne peut pas être un exercice solitaire. Vous irez forcément à la rencontre de tout un tas de personnages : votre illustrateur, vos bêta-relecteurs, celui qui vous apprendra à sauvegarder automatiquement votre blog, les modos de ces sites où vous comptez faire votre pub, cerbères qu’il faudra dompter… Ces échanges se révèlent souvent passionnants et vous permettent de croiser des gens qui sont totalement en dehors de votre sphère habituelle.

- Les retours de lecteurs

C’est sans doute ce qui apportera le plus de petits frissons de joie le long de votre échine. Car contrairement à l’auteur d’un roman qui reste enfermé sur le disque dur d’un ordinateur en attendant un hypothétique éditeur, vous aurez des lecteurs. Quelques-uns, une poignée, que vous serez peut-être allé chercher par la peau du cou. Mais des vrais, pas des gens de votre entourage, pas des gens qui vous connaissent : des anonymes qui ne vous doivent rien. Et quand ils aiment, ceux-là, et qu’ils le disent publiquement ou en privé, vous n’en avez plus rien à faire d’être autoédité ou non. Je n’échangerai contre rien ces messages de deux-trois lignes ou parfois de plusieurs pages reçus de la part de ces lecteurs que j’ai réussi à embarquer dans mon univers, dont j’ai changé la vie pour ces quelques heures qu’ils ont passées en compagnie de mes personnages, qui ont vibré pour eux et – oh que je les en remercie – me l’ont fait savoir. Il est probable que je n’aurais pas continué à écrire sans eux.

- La maîtrise du temps

Vous êtes aux commandes. C’est vous qui décidez. Quand votre livre va paraître, sur quelles plateformes. Pas besoin d’attendre un an dans le doute de savoir si ça va marcher ou non, si vous arriverez à écrire la suite ou pas. Vous êtes le chef d’orchestre de votre marche en avant.

- La liberté

C’est casse-gueule, certes. Vous êtes libre de partir en vrille. D’être à côté de la plaque. Mais vous êtes aussi libre de faire exactement le livre que vous vouliez, vous n’êtes pas obligés de rentrer dans des cases, thriller, horreur, romance, fantasy, de vous plier à des règles commerciales de format et de style. Vous avez la liberté de faire quelque chose de différent.

- C’est moi qui l’ai fait

Cette petite courbe des ventes qui monte et qui descend, c’est le résultat de vos efforts. Quand elle monte, cela vous rend encore plus heureux.

Tout le monde sait que l’édition classique par une grande maison est une espèce de graal qui brille quelque part là-bas, très loin, dans une nuit sans étoile qui rend les chemins qui y mènent pratiquement invisibles. Ça n’empêche pas d’essayer de les emprunter. Mais ne pas toucher le rêve du doigt ne signifie pas que l’on en soit indigne.

Pour ma part, je crois aux rencontres qui se font ou ne se font pas. Aux yeux qui se posent sur la bonne ligne ou non. Au hasard, que l’on peut certes manipuler pour le faire tendre là où on voudrait aller (ça s’appelle mettre toutes les chances de son côté) mais qui gardera toujours sa part de secret, de mystère, d’aléatoire.

Je précise également que je ne méprise pas du tout l’édition classique, le cycle de vie du livre avec ses passionnés et ses emplois à la clé. C’est un système qui fonctionne, qui a fait ses preuves, et j’espère qu’il va durer. Je ne suis d’ailleurs pas à l’abri de faire un jour appel à lui, pour la Tentation ou pour autre chose. J’ai simplement envie de pousser le plus loin possible ma propre logique, de continuer, tant que cela m’amuse, à courir entre le four et le moulin… avant de me rabattre peut-être vers une tentative d’édition par ces maisons que tant d'autres convoitent.

En attendant, j’espère avoir réussi à passer un petit coup de bombe désodorisante autour de l’étiquette « autoédité ». Et que cela permettra à quelques histoires délaissées d’aller finalement à la rencontre de leurs lecteurs.

Même s’ils ne sont qu’une poignée.

Share
Ce contenu a été publié dans Making-of, avec comme mot(s)-clef(s) . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Facebook comments:

Une réponse à L'autoédition, c'est un truc de maso, en fait, non?

  1. Guy Veyer dit :

    Ah, que merci ! Que cet article me conforte dans mon choix ! Excellent parage dans lequel je retrouve toutes mes aspirations, mes ambitions, mes espoirs et même - sous-entendues, sans doute - mes frustrations !
    à bientôt !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>