Je ne sais pas, ami(e) d’un futur indéterminé. Peut-être que oui, même si le fait que tu poses la question a de quoi susciter le doute.
Il faut dire qu’à l’heure d’Internet, qui est partie pour durer un peu plus que soixante minutes, les choses ont déjà bien changé. Un clic de souris suffit à déclencher tout un tas de processus, qui vont de l’impression à la demande d’un ouvrage jusqu’à sa livraison dans une boîte aux lettres seulement quelques jours après. Plus rapide encore : le téléchargement en format numérique, pour ceux qui se tamponnent la coquillette des bruits de papier qui craquent, de feuilles qui bruissent, de couvertures qui feulent, qui pincent le nez devant un agglutinat de cellulose, qui s’ampoulent l’index à tourner des pages et s’éventrent le pouce sur le tranchant de leurs arêtes.
Nous vivons une époque formidable, zéro délai, un max de stock – fût-il virtuel. Pour pas cher, en plus, du moins tant que le Géant qui coulait naguère des jours heureux du Pérou au Brésil conserve le droit de convoyer ses arbres morts à peine raffinés sans frais supplémentaires.
Pour un autoédité, c’est le pied. Le cloud devient un bon gros lien entre lui et le lecteur, un lien technologique, dématérialisé, qui lui permet de dealer sa came à moindre coût grâce aux ordonnances des blogs, des critiques en ligne, des réseaux sociaux. L’e-bouche à l’e-oreille donne à chaque lecteur le pouvoir de faire un auteur, et à chaque auteur celui d’en devenir un.
Dans ces circonstances, à quoi sert un libraire ? Vestige d’une autre époque, à l’obsolescence programmée, qui malgré le loyer payé en échange de ses mètres carrés n’a jamais tout en stock, subit plus de sautes d’humeur qu’une page web, fronce davantage les sourcils et prélève une partie conséquente de vos bénéfices pour faire tourner sa boutique (et son foyer)…
A quoi sert une librairie ? Entrepôt de livres qui redoutent le retour à l’envoyeur, là où résonne le pilon, vieil Elbeuf regardant de son œil écarquillé l’ombre du Géant obscurcir son bonheur, abri dérisoire où se côtoient vieilles rosses et purs sangs sans savoir à l’avance dans quelle catégorie ils courent – ni pendant encore combien de temps…
A rien, donc ? A quelque chose près. Ce quelque chose qui pour certains compte plus que la vitesse, les avis anonymes, les tops 100, la consommation facile et boulimique alimentant une PAL vertigineuse qui finira par nous survivre : l’humain, l’échange, la possibilité d’un sourire, l’émerveillement enfantin devant les étagères colorées chargées de promesses d’insomnie, le droit de toucher, de manipuler, de feuilleter, de sentir l’objet, de le posséder avant qu’il ne soit tout à fait à nous. La conscience, aussi, que l’argent qui change alors de main a plus de chances de rester dans l’économie réelle, celle sur laquelle 99% d’entre nous comptons pour financer notre quotidien.
La tentation de la pseudo-réciproque est désormais disponible chez Ty-Bull Tome 2, à Rennes.
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Et chez Amazon.
Tant que cela reste possible, et dans la mesure de mes moyens, je vous donne le choix.